Dr Barbara Paldus : “J'ai fait connaissance avec la médecine intégrative française par l'intermédiaire du professeur Philippe Humbert. Il considère la peau comme un indicateur d'une maladie interne. Il combine donc son expérience en dermatologie, en allergologie, en immunologie et en médecine interne pour diagnostiquer la cause sous-jacente.”
Lisez son article et découvrez que de nombreux cas de rosacée ou de psoriasis sont en fait le résultat d'un parasite dans l'intestin.
Ma grand-mère nous vermifugeait
Chère lectrice, cher lecteur,
« Ma grand-mère nous vermifugeait plusieurs fois par an. »
Combien de fois ai-je entendu cette phrase ?
Nos anciens savaient inconsciemment que bon nombre de problèmes étaient liés à la présence de « vers » dans le tube digestif.
Par exemple, chez le petit garçon ou la petite fille de trois ans qui fait encore pipi dans sa couche, chez ce grand enfant en état d’excitation, ou encore chez tel autre ayant la peau sèche et des dartres…
Les anciens se transmettaient l’information oralement, de génération en génération, et c’est ainsi qu’à leur époque on vermifugeait régulièrement les enfants.
Vous allez voir que cette tradition était pleine de sens, et qu’elle mériterait de perdurer aujourd’hui, autant chez les enfants que chez les adultes…
Bienvenue dans la grande famille des parasites
Mais de quoi parle-t-on exactement ?
De parasites plus ou moins grands, dont la taille peut aller de 5 mm à 3 cm, répartis principalement dans deux familles différentes :
- Les nématodes, qui sont de petits vers ronds (et qui regroupent notamment les ascaris)
- Les plathelminthes, aussi appelés vers plats.
Parmi les vers plats, on retrouve notamment le fameux ver solitaire, qui est un ténia du porc ou un ténia du bœuf (c’est donc en mangeant la viande de ces animaux que l’on peut se contaminer).
Cette famille comprend aussi le ver de l’échinococcose alvéolaire, et celui du kyste hydatique, l’un transmis par le renard, l’autre par le mouton.
Ils donneront différentes manifestations. Les ténias colonisant l’intestin peuvent provoquer une pâleur par anémie, une grande fatigue et un amaigrissement…
Pour l’anecdote, il y a quelques années, une société commerciale avait eu l’idée de mettre dans des gélules, des anneaux de ténia pour que, une fois le ver reconstitué dans l’intestin du consommateur, il aille jouer son rôle pathologique… et faire maigrir son propriétaire !
Heureusement les ténias sont relativement rares. En revanche, il est beaucoup plus fréquent d’héberger dans son intestin des nématodes (ces fameux petits vers ronds).
Car les parasites sont universels : on les trouve partout, aussi bien chez nous que dans les pays exotiques.
Ils peuvent se retrouver sur les aliments qui ont été en contact avec des matières fécales. Or les cultures maraîchères se font de plus en plus souvent avec des engrais d’animaux (quand ce ne sont pas des matières fécales humaines).
Fausse cystite, vrai parasite…Quand devez-vous suspecter la présence de vers ?
Tout d’abord, il y a des signes courants très évocateurs. Par exemple les démangeaisons à l’anus, ou au niveau des organes génitaux externes chez la femme.
Il faut aussi suspecter les parasites, si vous pensez avoir eu régulièrement des cystites, des infections urinaires ou des mycoses vaginales.
Si on y regarde de plus près, par la lecture des analyses d’urine, on se rend compte qu’il ne s’agit généralement pas d’infections urinaires. En effet, si les résultats montrent bien de très nombreuses bactéries, il n’y a pas en revanche un nombre suffisant de globules blancs, les leucocytes, pour retenir l’existence d’une infection.
De même, ce que vous appelez « mycose », c’est-à-dire des démangeaisons vulvaires avec des sécrétions et des pertes (en réalité des glaires ou du mucus), sont généralement sans rapport avec candida albicans, la bactérie responsable des mycoses.
Ainsi, ces symptômes génito-urinaires sont, dans mon expérience, la preuve d’une présence de parasites au niveau intestinal. J’ai d’ailleurs reçu d’innombrables messages de satisfaction ou de remerciements de femmes chez qui ces troubles répétés étaient un véritable enfer et qu’elles ont vu disparaître après traitement antiparasitaire.
Chez les enfants, le portage parasitaire peut être responsable d’une certaine excitation et, dans certains cas, d’énurésie (le « pipi au lit »). Chez la petite fille, ce sera souvent une vulvite, c’est-à-dire une inflammation de ses organes génitaux externes entraînant des démangeaisons. Le grattage de cette zone à proximité de l’anus conduit souvent à une infection, c’est-à-dire une vulvite bactérienne ou parfois candidosique.
Si ça gratte…
Le prurit (c’est ainsi que dans leur jargon les médecins appellent les démangeaisons), est un symptôme courant qui n’inquiète pas forcément.
Et pourtant, un prurit chronique ou répété devrait toujours conduire le médecin à en rechercher la cause.
Dans ce contexte, et après avoir formellement écarté une maladie générale ganglionnaire, il faudra tester l’efficacité d’un antiparasitaire.
Cela n’est pas encore bien connu dans la communauté médicale, mais les démangeaisons qui surviennent dans la journée, ou au cours de la nuit signalent souvent l’existence d’une maladie parasitaire au niveau intestinal. Cela devra alors être confirmé par un interrogatoire de la part du médecin.
D’une manière générale, les démangeaisons au niveau de la peau, du cuir chevelu ou des muqueuses sont les expressions les plus courantes de maladie parasitaire.
C’est particulièrement vrai s’il n’existe qu’un ressenti perçu par le malade, sans lésion cutanée autre parfois que les signes du grattage (excoriations).
Vous conviendrez qu’il y a donc maintes raisons pour mettre en route un traitement antiparasitaire, ce que les anciens appelaient une purge.
Les liens étonnants entre les parasites et ces maladies
À côté de ces prurits, d’autres pathologies cutanées devront convaincre votre médecin de rechercher des anticorps contre le parasite, qui indiquent sa présence passée ou persistante.
Par exemple, si vous avez une urticaire chronique (qui dure depuis au moins six semaines), on devra sans nul doute vous recommander un traitement antiparasitaire.
L’urticaire, caractérisée par des plaques rouges qui démangent, est le mode le plus commun de révélation de vers. C’est aussi le cas de ses variantes telles que les œdèmes de Quincke et des dermographismes (rayures en relief qui démangent lorsque vous vous grattez la peau).
Un autre symptôme de maladie parasitaire, mais souvent attribué par erreur à un champignon du cuir chevelu, ce sont les démangeaisons de la tête accompagnées de squames (pellicules).
Dans ce cas, votre médecin vous proposera généralement des shampooings antifongiques. En cas d’échec ou de récidive rapide, il sera souhaitable d’envisager l’existence d’un parasite intestinal.
Les dartres chez l’enfant signeraient aussi la présence de parasites intestinaux dans 50% des cas. Ce sont des plaques d’eczéma sèches, arrondies, touchant le visage ou la partie supérieure du corps, légèrement prurigineuses, avec de fines squames.
Autre maladie de la peau de mécanisme immunoallergique, l’eczéma, symétrique ou non, présent dans les territoires classiques de l’eczéma atopique ou non, alertera sur la présence dans votre intestin de parasites.
Sur le plan digestif, les vers participent à l’entretien d’une maladie inflammatoire intestinale, et donc à ses manifestations comme la diarrhée. Cet aspect est important à considérer. La présence de vers intestinaux signifie le plus souvent qu’il y a une maladie de la muqueuse intestinale (j’y reviens plus loin). D’ailleurs, on s’enquerra de la présence de glaires, c’est-à-dire du mucus dans les matières fécales.
Pourquoi vous devez garder toutes vos prises de sang (même celles d’il y a 20 ans)
Pour détecter un parasite, il est parfois nécessaire d’analyser toutes vos analyses sanguines, y compris celles qui datent de plus de 20 ans.
Je vois parfois arriver en consultation des malades, tenant en main leur dernière prise de sang.
Ce qu’ils ignorent, c’est que les indicateurs biologiques font partie intégrante de qui vous êtes au même titre que la couleur de vos yeux, l’aspect de votre chevelure ou votre taille…
Vos cheveux peuvent être différents d’un jour à l’autre : plus ou moins bouclés, plus ou moins secs, en fonction de la saison, de votre cycle menstruel, etc.
Mais derrière ces modifications subtiles, demeure l’aspect général qui fait que l’on vous reconnaîtra quelle que soit la nature de votre chevelure.
Eh bien c’est pareil avec vos analyses sanguines.
Par exemple, le nombre de vos globules blancs peut varier au cours du temps ou si vous tombez malade. Mais comment un médecin peut-il connaître votre vraie « nature » – en termes de globules blancs – s’il n’a pas les prises de sang précédentes ?
Il faut parfois aller très loin dans le passé pour connaître votre statut et observer des variations sur plusieurs années. L’évolution de vos globules blancs décrira une courbe particulière qui peut être très significative, notamment si on s’intéresse au nombre des polynucléaires éosinophiles.
Ainsi, si je constate, qu’il y a 12 ans, votre taux de ces globules blancs particuliers a augmenté, avant de diminuer et de se stabiliser, bien qu’il demeure dans le cadre des valeurs dites « normales », cela peut révéler que vous avez bien attrapé un parasite à cette époque.
Mais où étiez-vous alors ? En France ou à l’étranger ? Un interrogatoire détaillé nous permettra alors de déduire quel est le type d’helminthes qui vous a infecté.
Vous comprenez donc pourquoi votre médecin doit prendre connaissance de toutes vos prises de sang passées, et ceci à chaque nouvelle consultation.
Les vers préfèrent s’installer dans les intestins malades…
Il y a toujours une cause à tout.
La présence de vers sur la paroi intestinale indique que votre muqueuse est pathologique : inflammatoire, suintante (je dirais même gluante), et donc relevant d’une entéropathie, c’est-à-dire une maladie de l’intestin.
Les vers peuvent d’ailleurs entretenir, voire aggraver, cette pathologie sous-jacente.
Dans la plupart des cas, il s’agit d’une inflammation intestinale due à une intolérance alimentaire, en particulier au lait de vache (et tous ses dérivés) ou au gluten.
Dans d’autres cas, il s’agit d’une MICI (maladie inflammatoire chronique de l’intestin), aussi désignée par le terme de maladie de Crohn.
On voit donc ici tout l’intérêt d’évoquer et de diagnostiquer cette infection parasitaire.
D’ailleurs, ces pathologies de la paroi intestinale peuvent fragiliser la barrière intestinale, et laisser passer dans le sang des produits toxiques (responsables par exemple des symptômes articulaires de la maladie de Crohn) ainsi que certaines larves de parasites.
Celles-ci peuvent alors pénétrer dans le corps et y entrainer des maladies sérieuses, comme la toxocarose, maladie parasitaire systémique.
Ce n’est pas parce que vos résultats sont négatifs
que vous n’avez pas de parasite
En médecine, lorsqu’une recherche est négative, cela ne veut pas dire que ce que vous recherchez n’existe pas.
Ainsi, si vous allez pêcher dans le lac avec un fil et un hameçon il est vraisemblable que vous ne ramènerez pas de poisson. Allez-vous en déduire qu’il n’y a pas de poissons dans ce lac ?
Pendant des dizaines d’années, on s’est évertué à chercher des vers ou des traces de leur présence (larves, œuf) dans les selles, sans jamais se poser la question suivante :
Que feraient des vers sur vos matières fécales ?
Peut-on être sûr qu’ils ne sont pas dans l’intestin sous prétexte qu’on ne les voit pas ?
C’est ainsi qu’il a fallu attendre 2015 pour qu’on démontre enfin que la recherche de parasites dans les selles était négative à 90% chez des personnes pourtant infestées.
En réalité, cet examen n’a pas d’autre utilité que de connaître le nom du parasite dans le cas éventuel où on aurait la chance de le découvrir.
Combien de malades ont souffert de démangeaisons anales durant des années sans que jamais on ne leur ait donné un antiparasitaire, simplement parce que leurs analyses des selles étaient négatives !
Les 3 problèmes avec la prise de sang
Il existe aussi un sérodiagnostic pour rechercher dans le sang des anticorps dirigés contre des protéines du ver.
Le premier problème, c’est que cette analyse n'est pas spécifique : on cherche des anticorps dirigés contre des protéines que l'on espère universelles, potentiellement présentes sur toutes les familles de vers ronds, alors que ce n'est pas toujours le cas.
Le deuxième problème, c’est qu’on ne cible pas toujours les bons anticorps.
La plupart du temps, on teste les anticorps dits immunoglobulines G. Or la réponse immunologique de l'organisme contre les vers repose le plus souvent sur la production d'immunoglobulines E.
Troisièmement, il y a des patients qui ne produisent aucun anticorps alors qu’elles sont infectées. Et vous imaginez bien que ce sont vraisemblablement des personnes plus gravement atteintes !
Et dernièrement, si on a la chance de découvrir chez vous des anticorps IgG contre les « ascaris », vous pourrez lire par exemple dans le commentaire du résultat : « 7 Unités : résultat négatif ! seuil de 15 ».
Ainsi, tant que vous n'avez pas un taux d'anticorps de 15 unités, le laboratoire considère que ce résultat est négatif. Mais comment pourriez-vous produire des anticorps, même à des taux faibles, sans qu'il n'y ait la présence du parasite ?
Ce que vous risquez si vous êtes infesté
Certains scientifiques estiment que la présence de ces vers serait protectrice pour l’organisme.
Ils suggèrent même que ceux-ci auraient un potentiel face à certaines maladies inflammatoires de l’intestin.
Voici pourquoi j’ai une vision à l’opposé de ces théories.
La présence de ces vers induit une immunodépression qui favorise les infections au virus de l’herpès : j’entends par là la maladie herpétique (le fameux bouton de fièvre), mais aussi l'herpès génital, beaucoup plus dangereux car présent dans les sécrétions vaginales, le zona, mais aussi le virus Epstein-Barr responsable notamment de la mononucléose infectieuse et aussi de lymphomes.
Il a aussi été démontré que la présence d'helminthes favorise la prolifération du papillomavirus dans le liquide du conduit du col de l'utérus. Il est désormais recommandé d'administrer un traitement parasitaire chez toute femme présentant un cancer du col de l'utérus.
Je ne peux pas non plus m'empêcher de faire un parallèle avec l'efficacité démontrée dans plusieurs études de l’ivermectine contre le COVID.
Il s'agit là d'un médicament antiparasitaire.
J’émets donc l’hypothèse que la disparition des parasites pourrait contribuer à restaurer le système immunitaire qui, dès lors, sera plus efficient pour éliminer le coronavirus.
Ne serait-il donc pas pertinent d'étudier le bénéfice éventuel d’un traitement antiparasitaire chez les personnes ayant un syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) et donc porteur du virus VIH.
Il serait aussi intéressant d'étudier l'effet d’un tel traitement chez les enfants qui ont un impétigo, maladie bactériologique cutanée due au staphylocoque et au streptocoque cutané.
Malheureusement, la parasitologie est encore trop peu développée en médecine et à peine enseignée en troisième année dans les cours de pathologie fondamentale.
Rares sont les services hospitaliers qui discutent des parasitoses, dont les conséquences directes ou indirectes sont pourtant importantes.
Ne devrait-on pas envisager une telle pathologie parasitaire dès que l’une ou l’autre des situations décrites plus haut se produit ?
Ne devrions-nous pas reconsidérer la présence des helminthes dans l’intestin même si nous ne les voyons pas dans les selles, notamment en cas d’urticaire ou de démangeaisons ?
Et finalement, ne faudrait-il pas se vermifuger tous les 6 mois, comme nous le faisons pour nos animaux de compagnie… ou comme le faisaient nos grands-mères ?
Bien à vous,
Pr Philippe Humbert